(Sur proposition de l'atelier d'écriture, l'histoire devait mettre en scène les éléments suivants : une sirène, le toit d'une maison, une lime à ongles)
Introduction :
Décor : un château enfoui dans de vertes collines touffues. A la tête de ce royaume guère plus grand que le château, le roi Ray, qui ne souhaite d’autre chose que manger , boire, et que la quiétude de son train-train quotidien ne soit en rien troublée.
Personnages :
Ray : le Roi
Marine : la Reine, son épouse
Colin : Serviteur particulier du roi
Le gardien
Scène 1 : Dans le parc, à la nuit tombée
Le gardien : Encore un tour pour rien. Et dire que j’aurais eu le temps de prendre un ptit digestif dans mon café !
(parlant tout haut et tout seul) Ah, j’vous dis pas, la gnôle de mon beauf c’est quelque chose ! La Madeleine y est allée la semaine dernière, voir son frangin et elle en a ramené. Mais le roi il nous attend et tous les soirs, depuis il réclame sa goutte.
(d’un seul coup apercevant quelque chose au loin). Tiens, on dirait qu’il y a un truc là bas qui mériterait qu’j’aille voir de plus près…(il s’approche) …Diable ! C’est y point possible ! Faudrait ben que j’ai la main moins leste sur la gnôle moi, v’là t- y pas que je vois la reine sur le toit.
(il s’enfuie en courant) Madeleine, Colin, ya la reine sur le toit ! La reine est sur le toit !....
Scène 2 : Dans la chambre du Roi : le Roi Ray et Colin, son serviteur
Colin : Sire, sire! Sire Ray ! Pardonnez moi de troubler votre sommeil royal en pleine nuit mais votre épouse la Reine Marine, se trouve en ce moment sur le toit de votre humble demeure. (Le roi grogne sans ouvrir les yeux). Sire Ray ! Sire Ray !
Le roi : Quoi ciré-ciré?! Vous allez me donner la jaunisse à dire ça sans cesse! Peut- être ne voyiez vous pas que je dormais du sommeil du juste?
Colin : Pas ciré, Sire Ray ! C’est vous qui avez les portugaises ensablées votre Majesté.
Le roi : Alors quoi ?! Qu’on en finisse !! J’espère que vous avez une bonne raison pour me réveiller à cette heure !
Colin : Oui votre femme est sur le toit….enfin je veux dire…
Le roi : Ah ! Oui oui c’est ça, allez donc désaoûler ! Je vous avais déjà prévenu de moins boire le soir, ça vous monte à la tête mon vieux. Demain vous irez au cachot une heure ou deux, ça vous gardera au frais et ça vous apprendra à jouer les trublions nocturnes ! Bon maintenant, sortez et laissez moi dormir !
Colin : Mais sire, j’vous jure qu’c’est vrai ! Ya la reine sur le toit, juré ! (il crache par terre, et son crachas tombe devant le chausson royal).
Le roi : (moqueur) : Eh bien si reine il y a sur le toit, faites la descendre ou allez la chercher mon ami
Colin : Sire Ray, acceptez au moins de me suivre et que je vous montre votre épouse.
Le roi (prenant une voix mielleuse) : Ecoutez mon enfant, vingt ans à mon service, je reconnais que ça doit pas être drôle tous les jours. Je sais aussi que ça fait longtemps que vous n’avez pas pris de vacances. !....(chaussant ses charentaises) ….Bon soit, je viens.
Mais comprenez bien que si j’accepte de vous suivre dehors c’est juste parce que vous m’avez quand même rendu bien des services par le passé, surtout cette fois où la reine était rentrée plus tôt que prévu de son séjour chez ses amis Alfred et George, deux personnages du gratin mondain artistique, et que vous 'avez sorti de cette situation avec la feme du gardien qui aurait pu.....euh…enfin passons. Allons – y, mon ami, puisqu’il le faut
(Il fait un pas, glisse sur le crachas du serviteur et se retrouve les quatre fers en l’air) Ah !! Vous ne pouviez pas me dire que ce parquet venait d’être ciré ?!
Scène 3 : Dehors, devant le château : le roi, le serviteur et la reine qui regarde le ciel
Le roi (abasourdi) : Oh ! Ah ben elle m’aura tout fait cette vieille bique. Il ne manquait plus que ça !
Colin : Comment ?
Le Roi : euh… hein ? Rien, rien… (à part , en regardant la reine) Si tu n’étais pas aussi riche, ya longtemps que je me serais passé de tes caprices de fille gâtée ! (s’adressant à son épouse avec une voix de fausset) Ma chériiiie !! Savez vous que ce n’est pas raisonnable de rester dehors à une heure pareille ? Vous pourriez prendre froid, ma toute douuuce.(Pas de réponse de la part de l’intéressée)
… Elle ne m’entend pas. (à Colin) Eh bien mon bon, ne restez pas planté là avec votre air benêt ! Allez chercher une échelle, demandez lui ce qu’elle veut et aidez la à descendre de ce toit ! De toute évidence, elle a besoin d’aide.
Colin : Euh Sire Ray, c’est à dire que ses pieds reposaient dans la gouttière, qui était pleine après les fortes pluies de ces derniers jours, et des écailles ont commencé à se former jusqu’à ses genoux et montent encore. (rougissant et baissant les yeux) Et je ne sais pas y faire avec les sirènes moi et pis toute sirène qu’elle est elle reste votre femme tout d’même !
Le roi (agacé) : Oh imbécile! (à part, maudissant son épouse ) et toi morue, faut il que j’aime ta fortune pour ramper à tes pieds et me ridiculiser ainsi devant mes sujets !
(il entame une chansonnette pour la reine) …Tu es reine de mon cœur, tiens, j’vais t’appeler sirène, tu es reine de mon cœur, de mon cœur tu es la Reine …(chanson d‘amour qui fut reprise un siècle plus tard par un certain chanteur - mathématicien, du nom de Bobby Lapointe ;-)
La reine : Tu parles, j’la connais ta ptite chansonnette mielleuse, elle n’est pas nouvelle ! C’est comme ça que tu m’as séduite à l’époque. Mais c’était il y a vingt ans, j’te signale.
le Roi : Mais ma Femme, ma tendre moitié, ma Douceur suprêêêême, je vous aiiiiiiimeeeeuh (la fin se perd dans un soupir) ….. et je n’ai de cesse de vouloir faire votre bonheur en organisant les plus beaux banquets en votre honneur, en célébrant vos beautés …(à part et sarcastique) vos beautés , thon !... (reprenant sa voix normale) , je vous supplie de me rejoindre ce soir. (il porte la main à sa poitrine) Là, entendez mon cœur qui s’emballe de vous voir ainsi transie de froid à cette heure….
Colin : Sire Ray c’est le tic-tac de votre montre gousset. Le cœur, c’est de l’autre côté.
Le Roi : Euh…humm, hummm……
La Reine : Des banquets, des bals en mon honneur, c’est décadent tout ça ! Toi –même tu es décadent mon cher ami. (elle sort un petit ciseau et une lime à ongles de sa trousse et commence à se faire les ongles) Je suis montée sur ce toit pour ne plus être dérangée par tes ronflements, que dis-je, tes barrissements d’éléphant, qui font trembler les murs du château, et puis j’avais envie de prendre de la hauteur. Toi qui me reproches toujours d'être dans la lune, pour une fois, je te donne raison et toc !
Maintenant va t’amuser ailleurs avec tes batifolages d’un autre âge et laisse moi à mes célestes occupations. De toute façon, si reine j’étais, sirène je suis devenue, et ma place n’est plus dans ce château.
Je te le vends, qu’en penses tu ?
Le roi (qui ne demandait pas mieux) : Euh… enfin c'est-à-dire, je ne veux pas vous chasser, mais euh bon si cela peut vous dépanner, je vous rendrais volontiers ce service. (hypocrite) Mais après qu’allez vous devenir ma très chère?
La Reine : Une fois que je serai descendue de ce toit très inconfortable, je plongerai dans les douves puis dans le fleuve qui traverse le domaine et de là, je rejoindrai la mer, où je serai heureuse, enfin! Après tant d’années à devoir te supporter, vieux bouc !
Le Roi (changeant de thon….euh de ton, pardon) : C’est ça, allez donc vous ensabler, le long des côtes portugaises ! Allez y donc et bon débarras.
Scène 4 : La Reine, Colin et le Roi (silencieux)
Colin (se jetant à genoux au pied du château) : Ô ma Reine, je ne puis souffrir de vous voir ainsi vous éloigner de moi. Je ne saurais survivre à cette cruelle volonté…
La Reine : Mais noooon, j’vous embarque vous. Enfin, nous nous aimerons librement, au grand jour !
Colin : Une telle nouvelle me ravit le cœur. Je deviendrai votre sire-Roi et pour vous ma belle si-reine, je construirai de mes mains un palais de sable d’où, jour et nuit, vous pourrez à votre guise murmurer à l’oreille des étoiles … de mer.
La Reine (plongeant dans les douves et s’adressant à Colin) : Que ne vous ai-je connu plus tôt ? Venez à moi pauvre pêcheur. Un Colin ne peut être malheureux dans l’eau. Venez et trouvons ce lieu qui saura abriter notre nouvel amouuuuurr !!
Colin plonge, ils partent en nageant
Scène 5 : Le roi seul
Le Roi : Je me suis enfin débarrassé de cette morue ! Je n’aurais jamais cru que cela fût si facile, depuis le temps que j’attendais ça ! De toute façon, une reine de perdue, six reines de retrouvées. Bon en attendant, je retourne me coucher. Ca pue les lottes, ça pue le colin.